J’ai dû passer plusieurs semaines, que dis-je, même un mois ou deux, à parcourir le monde. J’ai passé un détroit un jour. Peut-être ai-je changé de continent ? Je n’en sais franchement rien mais je m’en doute un peu quand même. La température à vachement baissée… et le nombre de proies aussi ! Mais je ne m'en formalise pas. Je dois être sur ce qu'O'kla appelait la Sibérie. Un pays froid et couvert de neige presque toute l'année. Pourquoi mes pattes m'ont guidées ici ? J'en sais rien... j'avais juste une envie animale de quitter le pays familial. Maintenant, j'arpente ses nouveaux paysages avec une curiosité dévorante. Cherchant le moindre petit détails dans chaque partie du paysage blanc. Les couleurs froides sont un ensemble parfait et ensorcelant d'harmonie.

Après encore une longue journée de marche je m'allonge dans l'herbe de la steppe et regarde les étoiles. Elles sont si belles... si gracieuses. Je me prie d'imaginer que mon ami est parmi elles. Étant une gracieuse lumière... mais je suis bien tout ce contraire là. D'anciens et ancestraux humains avaient l'habitude de dire que les loups était la sagesse, mais les coyotes la couardise, et bien d'autres défauts. Si ce n'était le mal. Ils ne se sont peut-être pas trompés en fait... je suis un peu de tous les défauts qu'ils citent. Mais c'est grâce à ses défauts que j'arrive à survivre. J'esquisse un sourire qu'aucuns êtres vivants ne pu apercevoir avant de m'endormir. Tapie dans les hautes herbes, à l'abri de tous dangers.

Quand je me réveilla au petit matin, j'éternua en sursautant. Mon corps était trempé de neige à moitié solide. J'avais l'habitude de la neige en Amérique, mais cela faisait longtemps... je ris un peu en m'ébrouant. Je regarde alors mon bandana, puis l'horizon avec l'aube d'un magnifique soleil. Je retrouverai tes assassins O'kla, je te le promets. Je remis en route et passant encore je pense une bonne semaine à traverser la steppe. Jusqu'à ce que j'arrive à un ruisseau qui bordait une forêt. Le ruisseau n'était même pas un ruisselet ! Tellement il était simple de l'enjamber ! Intriguée, j'y suis allée. L'eau y était bonne et glacée. Après avoir bu avec précautions, j'ai sauté par-dessus pour atterrir dans la forêt. Cette forêt avait une ambiance calme, paisible. Tout y était silencieux. Si bien que même le vent n'ose pénétrer entre ses branchages épais. Branchages recouvert de neige. La forêt ne ressemble même pas à une forêt... car elle est toute blanche. Je n'arrive pas à distinguer un bout de vert du marron et de la neige si pure. Cette ambiance paisible exerce une sorte d'attraction sur moi. Calmant instantanément mes pensées morbides. Apaisant mes tracas. Cela me fait tellement du bien, de ne rien ressentir de négatif, que j'ose entrer dans ce lieu magique. Le seul sentiment qui vient troubler ma quiétude est la faim qui me ronge depuis hier déjà... j'espère vite trouver quelque chose à me mettre sous la dent.

Je marche depuis déjà plusieurs heures. Le soleil joue à cache cache avec les nuages et donc la forêt est à moitié plongée dans l'obscurité. Obscurité qui ne me déplaît point. Soudain, j'entends une branche craquer derrière moi. J'ai baissé ma garde et c'est avec horreur que je sors de ma léthargie. Du ordre qui se veut redoutable je m'exclame les babines à moitié retroussées :

-Qui est là ?!

Ce n'est pas un simple mulot... et pour sa survie il a tout intérêt à me dire qui il est. Car la faim qui me tenaille est puissante. Je me retourne vivement vers le bruit, tendue, prête à bondir au moindre danger.

Cela faisait un mois que j'avais quitté mes forêts de Finlande pour aller explorer le monde. J'avais décidé de suivre le soleil levant, aussi étais-je partie vers l'est. Le voyage était long et fatigant, mais j'avais vu tant de beaux paysages, et je savais que ce n'était pas fini, que mes pattes ne me semblaient pas si lourdes ; elles avaient l'air de s'être habituées à mes déplacements constants. Depuis une semaine, je voyageais dans une zone glacée. J'avais eu très froid au début, mais ma fourrure fournie me permettait de ne pas trop frissonner. Les paysages étaient magnifiques, avec ses plaines enneigées piquées de quelques sapins, mais cela commençait doucement à m'agacer. N'y avait-il donc aucune forêt par ici ? Je n'appréciais pas vraiment de devoir dormir à la belle étoile. Je commençais à rêver d'une petite tanière douillette, protégée par les cimes des arbres et par les fougères.
Hier à peine, j'ai aperçu de plus en plus de broussailles, et je suis finalement arrivée dans des petits bois. L'atmosphère était si paisible et chaleureuse que j'ai décidé de m'installer ici quelques jours. Je me suis rapidement dégotée un terrier de blaireau abandonné, l'ai tapissé de feuilles mortes et d'herbes et j'ai pu passer une nuit délicieusement confortable.

C'est l'aube. Je suis déjà debout, en quête d'un déjeuner. Je marche silencieusement, appréciant grandement le contact du sol familier de la forêt, bien qu'il soit glacé à cause de la neige et du verglas. L'oreille aux aguets, je guette tout ce qui pourrait m'indiquer la présence d'une proie : un bruissement de feuille, un couinement, un pas sur le verglas...
Je passe plusieurs heures ainsi, mais rien n'y fait. Le gibier hiberne, évidemment, tandis que mon ventre gargouille de plus en plus fort. Je pousse un soupir dépité.
Soudain, le vent m'apporte une odeur qui n'a rien d'une proie. Je renifle prudemment ; je suis maintenant sur mes gardes et mon dos se hérisse. C'est une femelle coyote. Sachant que ces animaux sont plus rapides et souvent plus forts que les renards, je décide de la suivre discrètement pour découvrir ses intentions. Ma fourrure est cependant trop voyante dans la forêt obscure bercée de neige. Je me roule dans la poussière et dans la neige pour rendre mon pelage moins voyant. Cela fonctionne, et je commence donc à suivre la piste de la coyote en frissonnant. L'obscurité et les racines me procurent des cachettes intéressantes. J'avance donc ainsi, évitant les rayons du soleil, telle une ombre. J'aperçois bientôt la femelle, quelques mètres devant moi. Elle marche, visiblement un peu rêveuse. Mais ma vue n'est pas assez bonne d'ici. J'entrevois un arbre aux branches larges, derrière elle.
Parfait.
Je m'approche furtivement de l'arbre et commence à l'escalader sans bruit. Je prends place sur une branche haute, de manière à ce qu'elle ne puisse me voir sans lever la tête, et commence à l'épier. Je fais un pas en avant sur la branche mais celle-ci est trop fragile pour supporter mon poids sans broncher, et elle émet un craquement.
Oups !
Et évidemment, la coyote l'entend. Elle retrousse ses babines et lance d'un ton menaçant :

- Qui est là ?!

Elle n'a pas l'air de plaisanter. Mais pour l'instant, je suis à l'abri sur ma branche, dissimulée par les quelques feuilles qu'il reste à cet arbre et l'obscurité de la forêt.
Je me demande si les coyotes savent grimper aux arbres...
Je décide de lui répondre mais, par prudence, de rester perchée. Je n'ai jamais rencontré de coyote, et dans mon espièglerie naturelle, j'ai envie de la titiller un peu. Je lance d'un ton railleur :

- Tu regardes vers le mauvais buisson, coyote. Tourne donc ton museau par ici !

- Tu regardes vers le mauvais buisson, coyote. Tourne donc ton museau par ici !

J’émets un grondement sourd et menaçant. Cette chose me prend de haut en plus ?! Je calme mon envie meurtrière et mets tous mes sens en alerte. Surtout l’odorat. L’odeur qui infecte de plus en plus mes narines vient d’au-dessus de moi. Cachée. Elle sent la poussière et la neige, si bien que j’ai beaucoup de mal à discerner l’animal qui se cache. Car j’en suis sure, ce n’est pas un humain. Leur odeur m’est inconnue et l’effluve qui me parvient faiblement, je la connais. C’est un… c’est un… renard ! Oui je m’en souviens, maintenant, leur odeur si forte qui sent le mucus. Argh ce que j’ai dû mal à la supporter à long terme ! J’esquisse un sourire narquois, elle va apprendre le respect cette renarde ! C’est moi qui vous le dits ! Je parle alors, d’une de ces voix à la fois calme et menaçante, dans une langue que peut-être l’étrangère ne comprend pas :

-I see you fox… and… I’m comming…

Je jette violement ma tête en arrière et un sourire moqueur apparaît sur mes babines. Cependant, cette renarde ne pourra pas faire mon repas… et son espièglerie a osé m’effleurer… j’compte bien aller la descendre de sa branche moi. Rapide comme l’éclair, je cours vers son arbre et commence à l’escalader avec beaucoup de mal. On n’est pas fait pour ça nous les coyotes, mais mon esprit de revanche s’agrippe à mes tripes avec férocité. Une fois sur sa branche je m’approche lentement mais sûrement d’elle. Mon regard est fou, on dirait que j’ai envie de lui faire la peau. Je saute alors sur elle en bondissant. Comme je m’y attendais, notre poids plus la fragilité de la branche fit qu’elle céda. Nous atterrissons lourdement dans la neige, ce qui amortie notre chute. Et puis ce n’est comme si nous avions sauté d’une falaise ! Je suis au-dessus d’elle et je lui susurre alors à l’oreille :

-N’ose jamais te moquer de moi renarde. J’ai les moyens de te faire taire.

Je fis claquer ma mâchoire juste à côté de son cou. Après cette intimidation, je me défais d’elle, la laissant dans la neige. Je m’assis quelques mètres plus loin en éclatant de rire. Ce que je peux être risible parfois ! M’emporter pour si peu ! Mais cela fait partie de mes principes.

-Dommage que le seul mammifère que je rencontre après ses longs mois solitaires soit si espiègle. J’aurai pu m’entendre facilement avec nos lointains cousins… au fait, moi c’est Neelshy !

Exaspérante ! Ce que je peux être exaspérante ! Un sourire espiègle se dessine lentement sur mes babines. Je vous présente mon principal trait de caractère ! Je suis lunatique ! Je me demande vraiment comment je fais, des fois, pour passer de morose à cette envie de sociabiliser.

La coyote lève le museau en grondant et esquisse un sourire étrange. Sa voix résonne dans les bois, calme, grondante et menaçante. Elle parle un dialecte un peu étrange que je connais mal, mais je crois discerner quelques mots : "renard" et "je viens". Je renifle, un peu agacée. Allons bon, qu'est-ce qu'elle cherche à prouver en parlant comme ça ? Elle lance violemment sa tête en arrière, la mâchoire déformée par un sourire narquois, puis s'élance vers le tronc de mon arbre. Visiblement, elle tente d'escalader. J'hésite à sauter sur un autre arbre, mais je décide de rester sur ma branche, curieuse de voir jusqu'où elle grimpera. Elle atteint ma branche, apparemment contente d'elle. Les yeux fous, elle me saute dessus. J’entends un craquement sinistre et la branche sur laquelle nous sommes se casse. Je tombe sur le flanc. La neige a amorti ma chute, mais je peste entre mes crocs contre la coyote qui m’a fait tomber.
Non mais quelle idiote, celle-là !
Tiens, justement, l’idiote se penche au dessus de moi. Elle a l’air furieuse. Je soutiens son regard bleu glacé de mes yeux vairons.

- N’ose jamais te moquer de moi renarde, grogne-t-elle. J’ai les moyens de te faire taire.

Elle fait claquer ses crocs près de ma tête, mais je continue de soutenir son regard.
Je n’ai pas peur de toi, coyote.
Elle s’écarte et s’éloigne de quelques mètres en s’esclaffant.
Non mais c’est quoi son problème ? Elle est complètement folle, ma parole…

- Dommage que le seul mammifère que je rencontre après ces longs mois solitaires soit si espiègle. J’aurais pu m’entendre facilement avec nos lointains cousins… au fait, moi c’est Neelshy !

Allons bon, elle veut faire ami-ami maintenant ? Les coyotes vivent généralement en meute, et  je commence à comprendre pourquoi celle-ci vit en solitaire. Je renifle, les oreilles en arrière. Neelshy.
Joli nom.
Mais il n’est pas question que je le dise à voix haute, après ce qu’elle a tenté de faire. Je lisse un peu ma fourrure rousse et lui répond en grognant à moitié :

- Vitany. Enchantée.

Je lève mon museau et hume un peu l’air. J’ai toujours faim, et évidemment, il n’y a plus aucune proie dans le coin maintenant. Je commence à marcher dans une direction aléatoire, la truffe aux aguets, pas mécontente de m’éloigner un peu de cette coyote complètement barge. Je lui lance donc :

- Tu m’excuseras, mais mon déjeuner m’attend.

Plus qu’à espérer qu’elle ne commence pas à me suivre.

- Vitany. Enchantée.

J’arque un sourcil interrogateur. Ce grognement en signe de présentation me fait remarquer qu’elle n’a pas trop appréciée que je vienne la rembarrer par la manière forte. Cela tombe bien ! Moi je n’ai pas apprécié qu’elle se moque de moi ! Vitany… sympathique comme prénom ! En tous cas, je sens bien que son origine n’est pas la même que la mienne. Durant tout le lapse de temps où j’ai essayé de l’intimider, elle a soutenu mon regard. Signe qu’elle s’en fiche à moitié. Elle s’éloigne alors, humant l’air, sûrement à la recherche d’une proie elle aussi. Puis elle me lance d’un ton qui ne veut pas discuter :

- Tu m’excuseras, mais mon déjeuner m’attend.

En réponse à sa réplique, mon ventre se mit à gargouiller très fortement. Qu’elle tête hilarante vas-tu me faire jolie renarde aux yeux vairons ? Je suppose qu’elle redoute l’instant où je vais lui poser la fameuse question. Parce que je vois bien sur son visage qu’elle n’a envie de ma compagnie. J’ai cependant bien envie d’arrêter mon périple et ma chasse aux loups pendant quelques heures… rien que pour voir sa tête déconfite ! Ah là là… ce que je peux être vache des fois. Je lui réponds alors gentiment :

-Que tu me parles de déjeuner me mets l’eau à la bouche ! Il n’y avait malheureusement pas grand-chose à se mettre sous la dent dans la steppe. Puis-je me joindre à toi si cela ne te dérange pas ?

Je sourie sous cape, ça lui apprendra à me prendre de haut ! Si elle était sagement restée bouche bée sur son arbre, je ne serai actuellement pas pot de colle avec elle. Je lève mon popotin du sol et me rapproche lentement d’elle. J’en profite pour la détaillée d’un rapide coup d’œil. Elle est plutôt jolie pour son espèce. Enfin, au niveau des formes ! Car son pelage est rempli d'un mélange de boue, poussière et neige... subtil je dirai. De ce que j'aperçois, son museau noir remonte pour céder place au roux. Roux comme le feu. Et ses yeux... l'un jaune comme si une très ancienne flamme l'animait d'une lueur de vie, et l'autre bleu. Bleu ciel, très pur, presque comme les miens. Je lui dis alors d'un ton qui se veut neutre :

-J'pense avoir compris que mon intimidation ne pas trop plu et je le comprends parfaitement. Cependant j'ai horreur que l'on se moque de moi sous tous les sens possibles. Je sais que vous êtes joueurs vous les renards, mais c'est plus fort que moi. Je ne peux m'empêcher de remettre les gens à leur place. Alors je ne m'excuserai pas Vitany. Ne le prends pas mal.

J'appuie bien sur son prénom, qu'elle comprenne que l'on ne joue pas avec moi. Je la dépasse légèrement pour essayer de sentir une odeur. Puis je rajoute en me retournant vers elle avec une once de gentillesse cette fois :

-Alors veux-tu bien que l'on aille chasser ?

Pff... je ne comprends vraiment pas mes réactions... mais je n'ai d'autres choix que de les assumer.

J'entends la voix de Neelshy s'élever derrière moi :

- Que tu me parles de déjeuner me met l’eau à la bouche ! Il n’y avait malheureusement pas grand-chose à se mettre sous la dent dans la steppe. Puis-je me joindre à toi si cela ne te dérange pas ?

Je soupire intérieurement, mais hoche doucement la tête.
Plus qu'à espérer qu'elle ne soit pas un gros boulet...
La coyote vient se placer à ma hauteur. Elle me regarde, semblant me détailler. Avec ma "fourrure de camouflage" je ne dois pas avoir très fière allure, mais tant pis. Nos regards se croisent. Je n'avais pas fait attention à leur couleur, mais Neelshy a des yeux bleus. Bleu glace.
Inhabituel, ça... Mais pas désagréable à regarder.
Elle prend à nouveau la parole d'un ton détaché :

- J'pense avoir compris que mon intimidation ne t'a pas trop plu et je le comprends parfaitement. Cependant j'ai horreur que l'on se moque de moi sous tous les sens possibles. Je sais que vous êtes joueurs vous les renards, mais c'est plus fort que moi. Je ne peux m'empêcher de remettre les gens à leur place. Alors je ne m'excuserai pas Vitany. Ne le prends pas mal.

Ç'a le mérite d'être clair. La façon dont elle a accentué mon prénom ne laisse aucun doute : elle n'aime pas trop être taquinée.
Message reçu.
Elle fait quelques pas en avant, la truffe en l'air. Elle ajoute d'un ton plus doux :

- Alors veux-tu bien que l'on aille chasser ?

Je soutiens son regard, mais cette fois, sans insolence. Je lui fais un léger sourire. Nous n'avions pas vraiment commencé sur de bonnes bases, alors essayons de rectifier un peu le tir. Je lui fais un signe de tête et me met en marche. J'avance silencieusement, à peine baissée ; c'est l'avantage de ma taille, inutile de raser le sol pour passer inaperçue. Neelshy, près de moi, est également très discrète malgré sa grande taille.
Nous marchons ainsi un certain temps. Soudain, un petit bruit me fait dresser l'oreille. Je me fige.
Là !
Sur un arbre, un pic-vert est affairé à trouver un bon endroit pour s'installer. Je m'avance un peu vers lui, silencieuse et souple comme un serpent.
Tu es à moi, le piaf !
Ajustant ma trajectoire, je bondis et réussis de justesse à lui attraper les plumes de la queue. Je le plaque au sol et le tue d'un coup de crocs. Une vague de satisfaction m'envahit. Je le prends et le dépose aux pieds de Neelshy. Je n'ai pas envie qu'elle soit mon ennemie, mais en fait, j'apprécierais que nous devenions amies.
Au moins, si on devient amies, elle ne voudra plus me déchirer la gorge...
Alors autant faire la paix. Je l'invite gentiment à se servir :

- À toi l'honneur.

Elle a l'air bien plus affamée que moi, et de toute façon, les oiseaux sont ma proie de prédilection, alors je pourrai bien en attraper d'autres.

​De la façon dont Vitany me regarde, je pense qu’elle a compris mon message. Elle soutient une fois encore mon regard, mais… plus gentiment. Elle me fait un petit sourire et nous partons parcourir les bois à la recherche de nourriture.Nous sommes silencieuses. C’est alors que Vitany se raidit, elle semble avoir entendu quelque chose. J’ai à peine le temps de la voir se faufiler près d’un arbre qu’elle revient avec un oiseau dans la gueule. J’arque un sourcil surprise. Je m'attendais pas a une telle rapidité. Elle me fait alors signe de me servir. Je la remercie d'un regard éclatant et me jette sur le volatile. J'ai tellement faim que je ne m'aperçois même pas avoir finie la proie à moi toute seule. Me rendant compte de mon erreur je la dévisage d'un air désolé et désespéré. Je veux surtout pas la vexer ! Je m'exprime alors :

-Je suis désolée Vitany ! Je... j'avais tellement faim... je vais te trouver quelque chose à te mettre sous la dent tout de suite !

Je calme alors mes pensées. Me concentrant sur mon environnement. À environ une cinquantaine de mètres, un lièvre essaie de déterrer des herbes à se mettre sous la dent. C'est Vitany qui va se le mettre sous la dent c'est moi qui te le dis ! Je me roule dans la neige pour en prendre l'odeur, vu que j'ai déjà la couleur. Je me déplace silencieuse jusqu'à une dizaine de mètres de ma proie. À partir de là, je me plaque au sol. Ne faisant qu'un avec la terre. Je rampe doucement mais sûrement, les yeux brillant d'une lueur de meurtrière. C'est alors que je m'immobilise. J'aperçois le lièvre lever la tête dans ma direction, tous ses sens aux aguets avec sa petite truffe frémissante. Dans ses yeux brillent de la peur. Je suis repérée. À moi de me montrer rapide. Et c'est à ce moment-là que je me sens puissante. Je bondis en direction de ma proie qui prend le chemin inverse. Je la course sur une dizaine de mettre avant de l'attraper et de la plaquer violemment au sol par la gorge. Le goût de son sang chaud et métallique dans ma bouche me donne encore faim. Cependant je m'abstiens. Ce lièvre bien dodu est pour Vitany. Je le dépose à ses pieds et lui murmure un «désolé et c'est pour toi» sincère. J'ai bien envie de faire plus ample connaissance avec cette jeune renarde mesquine. Je m'allonge alors dans la neige, non loin d'elle avant de lui demander :

-D'où viens-tu alors Vitany ? D'ici ?

Tant que nous ne commençons pas à parler de la pluie et du beau temps, tout va bien. J'esquisse un sourire amical en attendant sa réponse. Espérant ne pas être une compagnie trop désagréable.

HRP:

Neelshy, comme je m'en doutais, est affamée et dévore l'oiseau en entier non sans me remercier d'un regard. J'ai un petit sourire amusé en voyant avec quelle ardeur elle attaque son repas.
Elle n'a pas dû manger depuis plusieurs jours...
À peine l'a-t-elle fini qu'elle lève la tête vers moi, l'air penaud, presque désespéré, et s'exclame :

- Je suis désolée Vitany ! Je... j'avais tellement faim... je vais te trouver quelque chose à te mettre sous la dent tout de suite !

Avant que je n'ai le temps de lui dire que ce n'était rien et qu'elle n'a pas à faire ça pour moi, elle se concentre déjà sur sa chasse et je n'ose pas l'interrompre. Je la vois se rouler dans la neige et je souris.
Tiens, voilà qu'elle imite ma technique de camouflage maintenant !
Je me fige, apercevant la proie qu'elle convoite : un lièvre plutôt dodu. Je m'immobilise donc, observant la technique de chasse de la coyote. Elle rampe lentement et discrètement, avec une certaine grâce. Mais le lapin la repère et s'enfuit. Aussitôt Neelshy s'élance à sa poursuite d'une foulée puissante. Je les perds de vue dans les broussailles mais je reste ici, tendue, au cas où le lièvre déboulerait dans ma direction.
Mais lorsque les feuilles bruissent, c'est pour annoncer le retour de Neelshy. Elle tient entre ses crocs le lièvre inerte. Elle le pose devant moi en murmurant des excuses d'un ton sincère. Je lui fais un sourire, un peu amusée par son air d'enfant coupable, et pour lui montrer que je ne lui en veux pas du tout. Neelshy s'allonge près de moi, et je fais de même en m'étirant un peu. Je mords dans la chair tendre du lièvre quand la voix de la coyote s'élève pour me demander :

- D'où viens-tu alors Vitany ? D'ici ?

J'avale une bouchée du lièvre ; il est délicieux, puis je relève la tête et croise le regard de Neelshy, tout sourire. Je lui réponds :

- Non, je viens d'une forêt de pins de Finlande, assez loin, vers l'ouest. Je l'ai quittée pour découvrir le monde.

Et pour m'éloigner de mes morts...
Mais ça, je ne lui dis pas. Inutile de l'embêter avec les histoires de mon passé, et de toute façon, si j'en parlais ça allait me déprimer. Je m'enquis à mon tour de son lieu de naissance, les yeux brillants :

- Et toi, Neel, d'où viens-tu ?

Je sais, elle s'appelle Neelshy, mais je ne peux m'empêcher de trouver le surnom "Neel" plutôt mignon. J'espère simplement qu'elle va l'aimer aussi, et ne pas m'en vouloir pour ça.
Puis je mords de nouveau dans mon repas. Quelques bouchées plus tard, je n'ai plus très faim ; ce lièvre était vraiment dodu ! Alors d'une patte, je le pousse devant Neelshy et l'incite à en prendre avec un sourire :

- Tiens, tu peux le finir, je n'ai plus faim.

Puis je tourne mon regard vers le ciel, d'un beau bleu effiloché de longs nuages argentés, en attendant sa réponse.

La renarde plonge le museau dans la proie récemment tuée tout en s’allongeant. Après en avoir pris une bouchée, Vitany plante son regard dans le mien et me répond :

- Non, je viens d'une forêt de pins de Finlande, assez loin, vers l'ouest. Je l'ai quittée pour découvrir le monde, elle fait une légère pause avant de reprendre les yeux brillants : et toi Neel, d’où viens-tu ?

Ma curiosité satisfaite je plonge aussitôt dans sa question. Premièrement, le surnom qu’elle m’a donné me fait sourire. De toute ma vie, personne n’a jamais diminué mon prénom. Même O’kla… je trouve cela mignon et gentil de sa part ! Mais revenons à sa question. J’allai répondre lorsque Vitany me donne le lièvre en m’annonçant qu’elle a plus faim. Je lui souris un remerciement et plonge la tête dans les restes. Mon instinct de charognard refait surface on ne va pas se mentir. Lorsqu’il ne reste plus que les os dans la neige je pousse un soupir de soulagement. Je n’avais pas aussi bien mangé depuis un petit moment !

J’oriente mes yeux bleus vers la renarde. Celle-ci ne me voit surement pas, occupée à regarder le ciel et les nuages aux couleurs si froides. Comme pour la rappeler à me dévisager, je re soupire tandis qu’une expression on ne peut plus sérieuse se crispe sur mon visage. Une sourde colère emplie de temps à autre ma voix tandis que je lui réponds enfin :

- Moi je viens de très loin à l’est. Dans un continent appelait Amérique. Plus précisément du Nord pour ma part.

Je soupire de nouveau, orientant mon regard quelques instants sur ce ciel si harmonieux. Puis je me fixe un point… entre les arbres filtrant la lumière. Je reprends, ma voix cachée sous cette fameuse colère, les sourcils froncés et la mine répugnée :

- Il y a plusieurs raisons à mon départ si tu veux tout savoir. La première est exactement comme la tienne. Découvrir le monde est quelque chose que je trouve palpitant. La seconde raison est beaucoup plus sombre… mes yeux reviennent à la charge sur elle et je reprends presque aussitôt : je traque des loups. Des assassins… qui m’ont ravi mon seul ami. Un groupe en particulier va devoir trouver la mort. Les autres me dégoutent juste. Jamais je ne pourrai apprécier leur compagnie.

Comme si l’orage était passé, mon sourire revient et je m’excuse alors :

-Excuse-moi de t’importuner avec ça Vita’. Mes sombres histoires de vengeances ne devrait regarder que moi !

Je ris légèrement. Un rire un peu forcé je l’avoue. Mais qu’en ai-je à faire ? D’ici peu ma traque reprendra où je l’ai laissé. Car la Sibérie n’est pas le lieu où je dois chasser ces animaux que tout le monde « légende ». Il faudra que je retourne chez moi les affronter… disons que c’est un peu des vacances ici. Et que cette renarde taquine est une sympathique rencontre depuis des lustres.

J'entends Neel dévorer le lièvre. Lorsqu'elle le termine, son soupir d'aise me confirme qu'elle avait faim. Son second soupir m'arrache à la contemplation du ciel ; je tourne la tête vers elle. Son expression est crispée, et quand elle prend la parole, sa voix est emplie d'une colère sourde qui me fait tressaillir :

- Moi je viens de très loin à l’est. Dans un continent appelé Amérique. Plus précisément du Nord pour ma part.

Je hoche doucement la tête, rendue confuse par sa voix tranchante. Le regard de Neelshy papillonne du ciel jusqu'à un point à l'horizon. Elle semble perdue dans des souvenirs. Elle reprend la parole, les sourcils froncés et la voix toujours empreinte de colère :

- Il y a plusieurs raisons à mon départ si tu veux tout savoir. La première est exactement comme la tienne. Découvrir le monde est quelque chose que je trouve palpitant. La seconde raison est beaucoup plus sombre…

Ses yeux bleu glace se plantent dans les miens. J'ai l'impression de voir des flammes bleues danser dans ses prunelles. Mais cela ne m'effraie pas ; je sais qu'elles ne me sont pas destinées. Mais je plains vraiment ceux qui la rendent aussi furieuse.
Je me demande bien qui l'énerve ainsi, et pourquoi...
La réponse ne se fait pas attendre et Neel ajoute entre ses crocs :

- Je traque des loups. Des assassins… qui m’ont ravi mon seul ami. Un groupe en particulier va devoir trouver la mort. Les autres me dégoûtent juste. Jamais je ne pourrai apprécier leur compagnie.

Je hoche la tête d'un air sombre. Je comprends la fureur qu'elle doit ressentir. Après tout, lorsque je tue des oiseaux, c'est un peu la colère qui me fait apprécier le goût de leur sang. Les flammes dans les yeux de Neelshy semblent se dissiper et son sourire revient, éclatant, illuminant son visage.

- Excuse-moi de t’importuner avec ça Vita'. Mes sombres histoires de vengeances ne devraient regarder que moi !

Le fait qu'elle ait également raccourci mon prénom me prouve qu'elle a apprécié le surnom "Neel". Je souris d'un air attendri et lui dit d'une voix douce :

- Ne t'en fais pas, Neel.

Je cherche son regard et plonge mes yeux dans ceux de la coyote.

- C'est ce qu'on fait, entre amis.

Je lui adresse alors un sourire radieux.
Tu n'es pas seule, Neel. Je suis ton amie, maintenant.